Laïcité et Culture religieuse scolaire

Il s’agit ici d’un récit: celui d’une expérience de culture religieuse, en univers scolaire…

Testée durant trois ans dans le nord Seine et Marne, en France, à la toute fin des années 1990, il s’agissait de donner aux élèves les premiers rudiments de cartographie du religieux qui colore et structure encore le premier cercle de leur environnement culturel, de leur histoire, de leur actualité.

L’objectif était que les élèves disposent d’une première appréhension de ce qu’est la religion, ce que sont ses principales familles d’influence et la ou les façons religieuses de penser. On cherchait par là à ce qu’ils arrivent à mettre des mots sur des faits historiques, psychologiques, sociaux, encore actifs et même résurgents. On souhaitait démystifier, dans l’esprit des collégiens, la perception d’attitudes religieuses d’autant plus angoissantes qu’elles leur demeurent illisibles, et leur faire acquérir à travers cet outil utile une aide au cheminement en univers multiculturel.

La difficulté était de parer aux lacunes que n’a pas manqué de créer, dans le système scolaire français, la persuasion longtemps insufflée par la révolution et l’histoire du pays, le marxisme des superstructures et l’influence positiviste, qu’il n’est pas adéquat de porter son attention sur les phénomènes religieux traditionnels, destinés à disparaître automatiquement sous l’effet du progrès et du sens de l’Histoire.

Cet essai donne en particulier les programmes détaillés, sur quatre années, qui ont été suivis durant cette expérience; il fournit quantité de notes pédagogiques et techniques ou anecdotes utiles, commente les succès et difficultés rencontrés.

Mais surtout, il tient à reprendre de façon critique et personnelle, le problème que pose de manière si particulière à la France ce boomerang religieux qui lui est parvenue en pleine face, à la fin du XXème Siècle, par la voie d’une révolte de jeunes nationaux, réidentifiés ou convertis inattendus, mollusques méduses soudain rassurés par l’adoption d’un ferme squelette, décidés à retourner leurs armes contre la société qui se proposait de les émanciper et de les satisfaire. Mieux: de les accomplir…

Le lecteur l’aura peut-être déjà perçu, nous cherchons à sortir du dangereux face-à-face qui conduit les tenants de principes d’organisations sociales et politiques opposés à alimenter le piège des confrontations. Ils sont dans la pratique toujours justifiés, en tant que fondements laïques ou religieux, principes supérieurs, par la certitude déduite qu’il y a d’un côté les bons et de l’autre les méchants.

Il fallait s’éloigner de la radicalité des points de vues et de la spirale implicite des violences qui peut s’en suivre, puis, après l’avoir compris et pour amadouer les fauves, de diagonaliser les significations et visions que chacun s’approprie et se fait de soi et de l’autre, en leur proposant un accès à la connaissance (jusque là abandonnée) de leurs légitimités réciproques.