
L’histoire comme discipline est pour nous la ressource incontournable pour tout acte de penser la société européenne occidentale. Il paraît difficile de ne pas l’évoquer, ou même de la minimiser, parce qu’elle tient cette nature obligatoire de son lien avec le judéo-christianisme, qui lui-même y a imprimé des marques institutionnelles et morales définitives.
En effet la notion de « révélation de Yahweh » s’y trouve profondément ancrée tant, dès l’Ancien Testament, la question de la possibilité et du développement de cette révélation et de la progression de l’identité du Très Haut, exige qu’il s’y adjoigne la vie du peuple israélite, d’un groupe humain co-contractant dépositaire, fidèle, acceptant de tenir l’alliance coûte que coûte de génération en génération.
Les effets de frottement, les crises, l’objectivation de l’influence réciproque du « très haut » avec ce peuple constitué ici-bas sur terre, levier et marche pied du Dieu unique, indéfectiblement liés l’un à l’autre, constituent autant de marques à travers le temps, enregistrées, transmises, récitées puis écrites et devenues réceptacle de la méditation sur ce devenir. La révélation est une histoire dans l’histoire.
La chose est si évidente que la canonisation des saintes écritures par les autorités religieuses, a cherché à organiser la collection de ces traces écrites de crises et références, en suivant une chronologie sensible: partant d’un récit de création, elle se termine (pour les chrétiens) par le dévoilement partiel d’une « fin de monde » (Apocalypse ou « revelation » pour les anglo-saxons).
Or dans notre cas, le sens de notre réflexion intègre cette donnée comme une donnée centrale et structurante. Les épisodes de l’histoire de notre pays réagissent les uns par rapport aux autres. Une époque bouscule la précédente, se compare à elle, se distingue, s’en détache ou la repousse. L’impact judéo-chrétien aura donc un certain destin et se proposera comme traceur intertemporel, étalon d’une appréciation de changements multiséculaires.
Quand Sieyès pose la révolution comme « table rase du passé », il oblige au contraire l’affranchi, qui cherche à comprendre la valeur et mesurer ou justifier l’ampleur d’une telle affirmation, à éprouver d’abord la consistance des anciens mondes qu’il quitte, et déjà donc à les perpétuer par leur maintien comme souvenirs, documents, matière à étudier. Il faut bien une enclume au marteau!
D’un point de vue plus général, le lecteur pourra aussi se rappeler (mais c’est la même question) que cette même trame agite les philosophies modernes du type Hegel ou Marx, qui ont été des philosophes de l’histoire. La dimension de leur influence par l’impact qu’ont eu leurs idées sur le façonnage de la vie politique et institutionnelle, à travers les intellectuels et autres élites, ajoute encore à la centralité de cette thématique.
N’oublions pas non plus une certaine passion naturelle des citoyens français, pour tout ce qui concerne l’Histoire, en dépit de sa progressive disparition dans les programmes d’éducation scolaire, et nous avons là un cumul de motifs qui rend inévitable l’intérêt à toujours aborder la vie de ce peuple sous cet aspect et par cette ressource.
