
L’institution est, pour un groupe social ayant une première cohérence : le sursaut et le dépassement collectif apparus devant une menace qui suscite ou traduit des risques mortels de division.
Elle est produite par l’élévation dont fait preuve une personne ou un sous-groupe dans l’interprétation des événements critiques, l’observation de la situation, et l’action transitoire.
Elle est une sorte d’illumination (« Eurêka ») liée à la relecture forcée de tout l’acquis, du “déjà là” pratique historique et culturel, à la lumière des nouvelles épreuves. Elle est la retraduction unifiante de ce tout dans une organisation nouvelle (création ou remodelage) continuant d’accomplir le passé en le dignifiant. Cette refonte produit une nouvelle actualisation autant en termes économiques de solution pratique que de compréhension nouvelle de soi individuelle et collective.
L’institution est donc un dépassement de soi total, pratique, collectif, accompli par l’intermédiaire d’un être issu de ses rangs et consacré à cette tâche ; accomplissement continuateur et renouvelant, adapté au réel et producteur de (nouvelles) significations ou précisions, à travers lesquelles la vie intérieure aussi (intellect et esprit) des éléments du groupe se poursuit, croît, se perpétue, s’illumine et se discipline.
Trois exemples illustrent l’effectivité de cette démarche progressive historique et collective : le mariage, le langage, la monnaie.
À ces trois efforts s’oppose aujourd’hui par des défaisances volontaires et organisées, un processus de déconstruction revendiquée, par rapport auquel la dynamique institutionnelle décrite ici et à laquelle il s’oppose, est susceptible de fournir un meilleur éclairage des enjeux et des dangers. Une meilleure mise en perspective.
Ce n’est pas un hasard si l’on discerne l’émergence d’une même forme de procédé entre l’innovation financière la plus libérale et les remodelages sociétaux : les deux défendent la disparition de la notion de « stock » au profit d’une société super fluide (« flux »). Dans les deux cas c’est le bon sens qui perd sa raison d’être et à travers lui l’espoir de constituer une société unifiée et consciente d’elle même.